CINQ BONNES RAISONS POUR FONCER VOIR « ELIO », LE NOUVEAU BIJOU DE PIXAR

Aïe? Ça commence mal pour Elio, dernier-né de la maison Pixar? Sorti en France ce 18 juin dans 595 salles (soit un total de 669 écrans), le 29e long-métrage fuselé par la filiale de Disney et réalisé par le tandem Domee Shi-Madeline Sharafian a plutôt raté son décollage : seuls 28 400 spectateurs ont répondu à l'appel, le reléguant à la 4e place du box-office du jour, derrière Lilo et Stitch, Dragons et même 28 ans plus tard, pourtant interdit aux moins de 16 ans !

À titre de comparaison, Vice-Versa 2 avait de son côté séduit plus de? 527 000 spectateurs dès sa première journée d'exploitation, le 19 juin 2024, dont certes 226 000 précomptés grâce à une brochette d'avant-premières auxquelles Elio n'a étrangement pas eu droit ? aucune, rien, nada ! Même pas lors du dernier Festival du film d'animation d'Annecy, pourtant lieu de passage rituel des productions Pixar ou Disney en exclusivité, juste avant leur intronisation dans les multiplexes.

Aux États-Unis, la cote d'Elio n'est pas meilleure : attendu pour ce vendredi 20 juin sur les écrans américains, ce superbe et poignant space opera sur la solitude d'un gamin orphelin, captant par accident un message venu des étoiles, est, hélas, mal parti pour un décollage stratosphérique. Les experts lui prédisent une fourchette entre 27 et 34 millions de dollars de recettes pour son premier week-end, soit encore très (très) loin des 155 millions de Vice-Versa 2 en 2024. Et une performance également bien pâle en comparaison de l'indétrônable Dragons, qui allume le feu au box-office de l'Oncle Sam depuis le 13 juin.

Marché saturé

Que se passe-t-il donc pour Elio ? Pourquoi les foules ne prêtent-elles guère attention aux péripéties pourtant réjouissantes et visuellement somptueuses de ce nouveau petit héros, en quête d'aventure spatiale et d'évasion d'une vie sur Terre qui le désespère depuis la mort de ses parents ? Décalé de plus d'un an (il devait initialement sortir le 1er mars 2024), retardé à cause des grèves hollywoodiennes de 2023 et du remplacement de son réalisateur initial, Adrian Molina (parti sur Coco 2), Elio joue surtout de malchance avec le calendrier.

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« Il arrive après Lilo et Stitch et Dragons, qui sont des versions live de franchises animées et qui ont peut-être rassasié l'appétit des familles pendant les récents jours fériés », commente Éric Marti, directeur général de Comscore France et expert du box-office. « Ces deux-là saturent-ils le marché au point d'être préjudiciables au lancement d'Elio ? C'est une possibilité. Mais attendons l'arrivée de la Fête du cinéma, du 29 juin au 2 juillet. »

Alors qu'un soleil de plomb et des températures caniculaires ce week-end pourraient convaincre une partie du public de venir goûter plus que jamais aux plaisirs d'une salle climatisée, Le Point, vaillant défenseur de cette excellente surprise cosmique nommée Elio, n'a pas eu à phosphorer bien longtemps pour vous convaincre de donner sa chance au film, à travers cinq arguments aussi éclairants qu'une pluie d'étoiles filantes dans le ciel sans nuage d'une nuit d'été.

Une histoire 100 % originale

À rebours du cap globalement inchangé des studios hollywoodiens ? englués dans une marée noire de remakes, reboots, spinoffs, suites ou versions live de film d'animation ?, Elio propose un script original rafraîchissant par ces temps de surchauffe à répétition. Certes, il repose sur une trame familière pour tout accro des grandes heures de Pixar. Un enfant orphelin, Elio donc, élevé par Olga, sa militaire de tante, est fasciné par les étoiles et la quête d'une réponse à l'éternelle question : sommes-nous seuls dans l'univers ?

Rêvant d'être enlevé par les aliens, Elio voit son v?u exaucé après avoir réussi à envoyer un message dans l'espace depuis la base de sa tante? Propulsé au sein d'un monde appelé le Communivers, sorte de gigantesque parlement interstellaire de civilisations extraterrestres hyper avancées, le jeune garçon se trouve embringué dans un conflit galactique qui va vite le dépasser. Là-haut, Elio va tisser une amitié solide avec un autre enfant solitaire ? Glordon, fils du terrible Grigon, un seigneur de guerre souhaitant intégrer le Communivers.

Rocambolesque, mouvementé, souvent très drôle et surtout gagné peu à peu par une émotion finale qui ne laissera aucune chance à vos glandes lacrymales, Elio rejoint tout simplement ? et, hélas, assez discrètement ? la voûte céleste des meilleurs Pixar, juste derrière les étoiles Monstres et Cie, Là-haut, Wall-E ou encore Vice-Versa.

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Un festin (mais pas une indigestion) de références SF

Intelligemment intégrées et mises en scènes par les réalisatrices, les ombres d'?uvres et figures piliers du genre planent sur Elio sans jamais nous sembler ostentatoires. Le tout premier plan du film, un globe terrestre, évoque d'emblée l'ouverture de 2001, l'odyssée de l'espace, tandis que l'interrogation existentielle des hommes sur leur solitude dans l'univers évoque la série documentaire culte Cosmos de l'astronome Carl Sagan, auteur du roman Contact, adapté au cinéma en 1997 par Robert Zemeckis.

Tout notre film est comme une lettre d'amour à la science-fiction des années 1970, 1980 et 1990.Madeline Sharafian et Domee Shi

Le signal musical à quatre notes qui sert de base à la communication entre les créatures du Communivers et Elio renvoie évidemment à Rencontres du troisième type, de Spielberg ? qui en comportait cinq ?, mais Madeline Sharafian et Domee Shi avaient aussi en tête plusieurs autres totems, discrètement disséminés au fil du récit : « Même le Alien de Ridley Scott a été une source d'inspiration. Tout notre film est comme une lettre d'amour à la science-fiction des années 1970, 1980 et 1990. Nous sommes de grandes fans de ces films et aussi de la vision de Carl Sagan du cosmos, positive et merveilleuse, plutôt que de celle d'un espace intersidéral froid et vide », ont confié au Point les réalisatrices lors du dernier Festival international du film d'animation d'Annecy. « On espère qu'Elio pourra être une passerelle pour les jeunes enfants qui aimeraient ensuite plonger dans ce cinéma. »

Des créatures extraterrestres innovantes et délirantes

« On a tout fait pour nous démarquer du style des créatures vues dans les autres films SF de Pixar, comme Wall-E ou Buzz l'éclair. Notre chef décorateur, Harley Jessup, qui a travaillé sur Coco, Ratatouille et Monstres et Cie. s'est beaucoup inspiré de la macrophotographie des créatures des profondeurs marines. L'objectif était que chaque alien ait des membres très différents et des façons très variées de bouger, ce qui impliquait la création de plusieurs riggings par personnage [le rigging consiste en la définition d'un squelette d'animation, première étape dans la création d'un personnage numérique animé, NDLR], soit un grand défi pour les animateurs. »

Le personnage d'Elio, dans le film d'animation de Domee Shi et Madeline Sharafian. © Pixar/Disney

Une réflexion éclairée sur la solitude

Coréalisatrices d'Elio, Domee Shi et Madeline Sharafian (qui ont également participé à l'écriture du film), ont puisé dans leur propre expérience pour la création du jeune héros du film, dont le profil évoque celui de tant d'autres enfants hyperconnectés mais socialement anxieux : « Dans nos villes natales respectives, nous étions des enfants un peu solitaires et bizarres, passionnés d'art et qui rêvions de nous installer, un jour, dans un endroit où nous nous sentirions à notre place. C'est tout ce qui motive Elio au début du film, cette obsession d'aller quelque part, ailleurs? Nous, c'était d'aller dans une école d'animation pour fuir notre propre solitude de geek », expliquent-elles. « Nous avons utilisé l'art comme une échappatoire. Elio essaie également de s'échapper d'une existence qui lui est douloureuse sur Terre, où il a l'impression d'être indésirable. »

Nous avons consulté des psychologues qui ont beaucoup travaillé sur le deuil des enfants qui ont perdu leurs parents.Mary Alice Drumm, productrice

Après le départ du premier réalisateur, Adrian Molina, le personnage d'Olga, initialement conçu comme la mère d'Elio, a été transformé en tatie. « Elio, c'est l'histoire d'un garçon qui ne sait pas se connecter aux autres depuis la mort de ses parents. Il fallait que sa situation semble vraiment instable et désespérée pour que sa joie d'être enlevé par les aliens soit justifiée et communicative. Nous nous sommes aussi beaucoup identifiées à Olga, une femme qui rêvait d'être astronaute mais qui a dû brutalement assurer l'éducation d'Elio et qui ne sait rien du rôle de parent.

« Dans la traditionnelle optique de réalisme recherchée par Pixar, nous avons consulté des psychologues qui ont beaucoup travaillé sur le deuil des enfants qui ont perdu leurs parents, nous explique la productrice Mary Alice Drumm. Et d'autres qui se sont spécialisés sur la solitude. J'ai eu l'opportunité de parler au Dr Vivek Murthy, qui a été administrateur de la santé publique aux États-Unis [sous les présidences Obama puis Biden, NDLR], un orateur incroyable, qui a publié une enquête sur l'épidémie de solitude. Un élément clé qui nous a beaucoup servi pour Elio, c'est le constat d'une honte sociale liée à la solitude, et la nécessité de tendre la main à un ami ou accepter qu'un ami nous tende la sienne. »

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Les fans de Là-haut en terrain connu

Réalisateur des films les plus émouvants de Pixar ? Monstres et Cie, Là-haut, Vice-versa ? Pete Docter, désormais patron créatif de Pixar, reconnaît un lien entre Elio et les deux anti-héros de son bouleversant Là-haut, le vieux Carl et le scout Russell : « Je pense que nous sommes tous profondément destinés à vivre en communauté, mais lorsqu'une tragédie nous brise, le réflexe naturel est de nous retirer du monde », confie l'artiste au Point. « Dans Là-haut, pour Carl, la tragédie était la perte de son épouse. Pour Elio, c'est celle de ses parents. Carl et Elio sont tous les deux consumés par ce sentiment d'avoir investi de l'amour dans une relation qui n'existe plus et ne veulent plus avoir le c?ur de nouveau brisé. On a parlé à beaucoup d'experts psychologues de ce sujet ainsi que de la fonction formatrice de la douleur, pour n'importe qui. Et on a essayé d'infuser cette idée dans Elio.  »

Alors, sommes-nous seuls dans l'univers ? Elio apporte sa propre réponse à la question saganienne, au terme de cette émouvante et rocambolesque fable pour petits et grands. Un dernier conseil : n'oubliez pas d'emporter avec vous un paquet de Kleenex de poche avant la séance.

2025-06-20T14:32:02Z