Dans ce lieu immersif, les visiteurs peuvent rejouer à des jeux inspirés des codes d'internet. L'objectif peut d'ailleurs sembler paradoxal: permettre à la jeune génération de re-socialiser loin des écrans.
Rue Marguerite de Rochechouart, dans le 9e arrondissement de Paris, nombreux sont les passants à s’arrêter devant une intrigante devanture orange. Sur la vitrine? Deux simples mots: Merci internet. Un nom qui rappelle d'ailleurs le documentaire du youtubeur Squeezie, qui retrace son parcours.
Et pour cause. Dans cet antre de 220 m2 orange acidulée, qui semble tout droit sorti d’un décor de film dans les années 1970, "on recrée les meilleurs concepts d’internet, mais dans la vraie vie", annonce fièrement à Tech&Co Tom Lothaire, 22 ans, fondateur du lieu.
"On s’est lancé un pari un peu fou" sourit le jeune homme. "On a vu ce qui cartonnait le plus sur Youtube et on l'a mis dans un seul et même lieu pour que les gens les vivent IRL (dans la vraie vie, Nndlr)." Mais Tom l’assure: il n'a pas fait que s'inspirer des concepts des stars du net, il a innové. Pour une question de droits d’auteur, bien sûr, mais également pour éviter que les joueurs ne s’ennuient.
"Les vidéos Youtube, c’est 9 heures de tournage et surtout, ce sont des acteurs. Si on avait repris tel quel les vidéos, vous ne rigoleriez pas", rappelle l’entrepreneur. "Pour que les gens s’amusent, il fallait trouver des concepts où même les plus introvertis s’amusent (...) Alors on a innové et créé nos propres expériences à partir des codes d'internet."Au programme, quatre expériences inspirées des vidéos Youtube qui cartonnent. Dans "Cours de pâtisserie arrosé", clin d'œil subtiles aux recettes pompettes de Monsieur Poulpe, les équipes doivent faire un tiramisu… en buvant quelques shots. Des défis viennent corser la mission. Du côté du "Dernier qui rit gagne", celui qui rigole le plus a perdu. Et, comme dans LOL, qui rit sort, les perdants peuvent corser la partie.
Avec "Qui aura le meilleur alibi", inspiré d'un jeu de Squeezie bien connu, les équipes doivent échafauder une histoire crédible, et être sur la même longueur d’onde pour ne pas se faire démasquer par les inspecteurs. Enfin, dans les "Cloches de Pokerface", se cachent des aliments excellents et d'autres, comme les piments ou les œufs de 100 ans peu ragoûtants. Il faudra bluffer et tenter de convaincre les autres participants de sélectionner la mauvaise cloche. Un concept qui rappelle le jeu de la confiance de Michou.
L’objectif? "Re-socialiser la jeune génération", insiste Tom. "Ca peut paraître assez paradoxal avec ce qu’on met en place mais on veut déconnecter pour re-socialiser." Pour preuve, les téléphones sont interdits. Un brouilleur de signal a même été installé autour du studio.
"Aujourd'hui, on le voit. Tout le monde veut avoir des amis. Sauf qu’il y a une vraie crise sociale. On le voit en boîte de nuit: personne ne se parle, tout le monde à le nez collé à son téléphone. Alors que les réseaux sociaux permettent, à la base, de se connecter aux autres", complète-t-il.
L’idée lui est d'ailleurs venue sur un "malentendu", alors qu'il était en étude. "Je me suis rendu compte que je m'étais fait peu d'amis", se remémore-t-il.
"Je suis quelqu'un de très sociable et quand je demandais à mes amis de sortir, ils me disaient non. Et ils regardaient quoi? Des vidéos Youtube. Alors je me suis dit que j'allais leur amener ce qu'ils voient, mais dans la vraie vie."Le businessman en herbe s'est ensuite fait soutenir par l'incubateur The Quest. Une première étape avant de convaincre une flopée d’investisseurs. Parmi eux, David Amiouni, fondateur de Keepcool et Neoness, ou Jean de La Rochebrochard, qui dirige Kima Ventures, propriété de Xavier Niel. Au total, Merci internet a levé plus de 880.000 euros de fonds. Le célèbre studio d'architecture Uchronia a de son côté désigné le lieu.
Et justement, si tout est rose bonbon, orange fluo design et très instagrammable, c’est pour plusieurs raisons. "Les années 1970, c’est l’année de nos parents. A cette époque, socialiser était super simple." Et, surtout, comme sur Youtube, "tout est filmé", rappelle Tom. "A la fin, vous repartez avec les meilleurs moments de la partie en format vertical."
"On a une IA qui nous aide à analyser les textes et les sourires pour sélectionner les meilleurs moments", précise Tom (pas le cofondateur), le régisseur.Un souvenir pour les participants et surtout, un excellent outil marketing pour Merci internet. Sur Tiktok ou Instagram, le lieu, ouvert il y a seulement deux semaines, cumule déjà des centaines de vidéos. Certaines publications de participants dépassent les 600.000 vues.
C’est justement grâce à une de ces vidéos que Lola, Lucie, Edgar et Lola sont venus, ce mercredi 28 mai tester leurs connexions dans "Qui aura le meilleur alibi". "Il faut vraiment jouer le jeu au maximum (...) Vous aurez plein de déguisement", assure Tom. Pendant une heure, les quatre compères vont en prison, éclatent de rire et surtout… se disputent à chaque mauvaise réponse. Mais à voir les sourires, l’expérience est un succès.
"C'était génial", s'exclame Lucie, 19 ans. "On a été hyper immergé", ajoute Maxence "On connaissait les concepts sur Youtube alors on était hyper contents de les avoir testé en vrai (...) C'est très drôle de voir des gens sur internet, mais le faire en vrai, c'est mieux."
Et les quatre amis sont loin d'être une exception. En deux semaines, plus de 220 personnes sont venues tester le lieu. Un succès que Tom espère décliner à l'international. "On aimerait s'exporter à travers l'Europe et les Etats-Unis", glisse le chef d'entreprise. À voir si la jeune génération sera prête à y mettre le prix. Pour une heure d'activité, comptez entre 30 et 50 euros... par personne.
2025-06-08T05:50:03Z