AMéLIE POULAIN VS EMILY IN PARIS : QUI SORT GAGNANTE DU MATCH DES CLICHéS SUR PARIS ?

A l’occasion des Jeux olympiques de Paris, UGC ressort en salles un film français qui a connu l’un des plus grands succès en France (8,6 millions d’entrées) et dans le monde (plus de 32,4 millions de tickets) : « le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » (2001) de Jean-Pierre Jeunet. Depuis plus de vingt ans, la jeune Amélie, interprétée par Audrey Tautou, et sa célèbre coupe au bol fait voyager les spectateurs dans un Paris de carte postale. Un petit bijou rempli de fantaisie où dans un Montmartre pittoresque se mêle bistrots kitsch et esthétique aux couleurs sépia. Un style unique bien loin des rues instagrammables de sa cousine américaine d’« Emily in Paris ». Plus de vingt après le film de Jeunet, la série Netflix entretient auprès du public étranger un autre genre de stéréotypes parisiens. Qui est la meilleure ambassadrice de la Ville lumière ? Amélie ou Emily ?

Le visionnage de cette vidéo est susceptible d'entraîner un dépôt de cookies de la part de l'opérateur de la plate-forme vidéo vers laquelle vous serez dirigé(e). Compte-tenu du refus du dépôt de cookies que vous avez exprimé, afin de respecter votre choix, nous avons bloqué la lecture de cette vidéo. Si vous souhaitez continuer et lire la vidéo, vous devez nous donner votre accord en cliquant sur le bouton ci-dessous.

Lire la vidéo

Ciné-tourisme

Dès sa sortie en salles,le 25 avril 2001, « le Fabuleux destin d’Amélie Poulain » rencontre un immense succès. Conte enchanté et fable radieuse, le quatrième long-métrage du réalisateur récolte près de 174 millions de dollars au box-office, et rafle une multitude de récompenses, dont quatre César. Il est le troisième film en langue étrangère le plus rentable au monde derrière « Tigre et dragon » (d’Ang Lee en 2000) et « la Vie est belle » (de Roberto Benigni en 1997). Aujourd’hui encore, pour beaucoup de cinéphiles aux quatre coins du globe, Audrey Tautou reste à jamais « Amélie from Montmartre ». A Paris, les lieux du tournage ne cessent d’attirer les touristes. « Un succès comme celui-là, cela n’arrive qu’une fois dans une vie, commente Jean-Pierre Jeunet. Car au départ, c’était un petit film très personnel, j’espérais juste qu’il soit bien reçu, qu’il ait son petit succès… Et c’est devenu un phénomène de société mondial ! C’est génial ! » Ce succès, le cinéaste l’explique de plusieurs façons : « Il y a une actrice extraordinaire, que les gens connaissaient alors encore peu, la musique de Yann Tiersen… C’est un film résolument feel good – un terme qui n’existait pas alors –, qui a touché la fibre de midinette en chacun de nous. Amélie fait le bien et ne demande rien en échange et surtout, elle valorise les petits plaisirs de la vie ! »

Un engouement immédiat qu’on pourrait comparer à celui d’« Emily in Paris », la série américaine proposée par Netflix. Dès les premières minutes, on découvre la tour Eiffel, le Louvre, l’Opéra Garnier et les petits cafés du 5e arrondissement. La série créée par Darren Star met en scène l’actrice Lily Collins dans la peau d’Emily, une expat américaine qui découvre la capitale où elle intègre une agence de marketing de luxe. L’occasion pour les scénaristes de dérouler leur longue liste de clichés sur la ville, les Parisiens et la France. Agaçant, certes, mais ça marche.

Le visionnage de cette vidéo est susceptible d'entraîner un dépôt de cookies de la part de l'opérateur de la plate-forme vidéo vers laquelle vous serez dirigé(e). Compte-tenu du refus du dépôt de cookies que vous avez exprimé, afin de respecter votre choix, nous avons bloqué la lecture de cette vidéo. Si vous souhaitez continuer et lire la vidéo, vous devez nous donner votre accord en cliquant sur le bouton ci-dessous.

Lire la vidéo

Lors de la semaine de lancement de la troisième saison, le 21 décembre dernier, le show a cumulé 117 millions d’heures de visionnage, l’un des meilleurs démarrages de Netflix. Un Paris rêvé qui rapporte aussi dans la réalité. Selon une étude de l’Organisation mondiale du Tourisme, menée avec la plateforme de streaming, le nombre de voyageurs influencés par des films et des séries dans leur choix de destination a doublé au cours des cinq années ayant précédé la pandémie : cela représentait près de 80 millions de personnes en 2019.

« Game of Thrones », « Emily in Paris », « The White Lotus »... Comment les séries influencent le tourisme mondial

Ue ville presque irréelle

La recette pour qu’un film ou une série marche à l’étranger ? Jouer sur les clichés. Dans « Emily in Paris », les Français fument, les serveurs sont malaimables et, dès qu’on regarde par la fenêtre, on aperçoit la tour Eiffel. Pour le reste, Paris est instagrammable, partout, tout le temps. Pas une poubelle ne déborde, le métro semble inexistant, tout comme la pluie et les mégots qui jonchent les trottoirs. Cette ville, dans laquelle emménage Emily, est un fantasme outre-Atlantique. Elle se résume à l’île de la Cité, le Panthéon et le jardin du Luxembourg – avec parfois quelques excursions à la tour Eiffel, au Sacré-Cœur ou au Palais-Royal.

Des stéréotypes, on en trouve aussi dans le film de Jeunet qui a choisi de faire disparaître les voitures et les graffitis des rues. Si la plupart des critiques de cinéma (de même qu’une forte majorité de spectateurs) ont été conquis par le film – symbolisant pour certains « le renouveau du cinéma français » – quelques journalistes, à l’instar de Serge Kaganski, l’étaient beaucoup moins. Le 31 mai 2001, dans les colonnes de « Libération », il affirme que le long-métrage représente une ville de Paris « à l’esthétisme figé et qui, surtout, présente une France rétrograde, ethniquement nettoyée, nauséabonde ». Il ajoute qu’il voit dans le seul acteur d’origine étrangère présent à l’écran, Jamel Debbouze, « un beur désarabisé qui s’appelle Lucien ». Face aux accusations, Jeunet répond qu’il n’a jamais prétendu faire œuvre sociologique ni dresser un portrait naturaliste du Paris au début de ce siècle.

Amélie nous veut du bien, alors qu’Emily…

Malgré sa représentation tronquée de la capitale, le « Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » reste un film feel-good, poétique et charmant. On aime l’énumération des « petits plaisirs » d’Amélie : faire des ricochets sur le canal Saint-Martin, casser le sucre caramélisé sur une crème brûlée. Tout comme on adore les personnages de Nino, Lucien ou Raymond qui semblent sortir d’un dessin animé. Le scénario, qui emprunte les codes du film d’aventures, compte son lot de péripéties et de mystères. En ce qui concerne « Emily in Paris », les avis sont toujours les mêmes : on adore, on déteste ou on adore détester. Il y a quelque chose d’obscène à représenter un pays et ses habitants d’une manière aussi caricaturale. Paris n’est plus qu’une marque pour les réseaux sociaux.

Le Paris d’Amélie, on veut le découvrir à pied, les yeux grands ouverts, l’argentique autour du cou contrairement à celui d’Emily qui, finalement peut se voir à travers son téléphone et les filtres Instagram, assis au fond de son canapé.

2024-07-24T07:37:48Z dg43tfdfdgfd