POURQUOI LES 25-50 ANS SONT-ILS OBSéDéS PAR LES MARQUES DE NOURRITURE ?

La bouffe, la bouffe, et encore la bouffe… Dans le classement annuel de Marque préférée des Français, la nourriture se tape (encore) le gros du gâteau. Particulièrement chez les 25-50 ans, qui ne citent QUE ça. Un peu abusé ou logique ?

marque préférée des Français - La bouffe, la bouffe, et encore la bouffe… Dans le classement annuel de Marque préférée des Français, la nourriture se tape (encore) le gros du gâteau. Particulièrement chez les 25-50 ans, qui ne citent QUE ça. Un peu abusé ou logique ?

Faut-il faire appel à l’esprit du consommateur ou à ses sentiments ? L’éternel débat du marketing vient peut-être de trouver une troisième voie. Finalement, ne cibler ni le cœur ni le cerveau de votre cible, trop convenu, et privilégiez plutôt son estomac. En regardant le classement Marque préférée des Français, l’alimentation est surreprésentée : neuf places du top 10 et 22 sur le top 30.

Une mainmise encore plus grande au sujet des 25-50 ans. Oubliez toute concurrence, ici, il n’y a que des marques de nourriture dans leurs favoris. Pas un Samsung, un Google, un Decathlon ou un Nike n’arrive à pointer le bout de son nez. Du ventre sinon rien, et tant pis pour la subtilité.

« Un héritage de notre enfance »

Le pire, c’est que Benjamin Fagot, de Marque préférée des Français, n’est aucunement surpris : « Chaque année, les marques de nourriture, principalement des plaisirs sucrés ou salés, occupent une place très importante dans nos classements ». Pourquoi une telle lubie ? « La nourriture contient beaucoup d’affect et va provoquer des sentiments et du plaisir chez le consommateur. On passe du temps à table, on débat autour de la nourriture, on en parle, elle est omniprésente dans notre vie », soutient Nathalie Louisgrand, enseignante-chercheuse spécialiste de la gastronomie à la Grenoble Ecole de management.

Clémentine Hugol-Gential, professeure et spécialiste des enjeux contemporains de l’alimentation à l’université de Bourgogne, enchaîne : « A l’instar des recettes, les marques alimentaires sont souvent un héritage de notre enfance, d’autant que de nombreuses marques en France ont gardé la même identité graphique depuis longtemps et sont donc reconnaissables à l’œil également. »

D’où cet aspect encore plus fort : « La nourriture et les marques ne racontent pas seulement notre histoire individuelle, mais aussi de famille. Cette accroche est d’autant plus présente chez les 20-50 ans, soit parce qu’on vient de quitter le nid familial, soit parce qu’on en a créé un », poursuit la professeure.

Les 20-50 ans, élus plus gros consommateurs

Elisabeth Tissier-Desbordes, professeure d’économie à l’ESCP et spécialiste du comportement des consommateurs, soulève un point plus pragmatique : « La nourriture est l’élément que l’on achète le plus, ce qui renforce l’identification autour de marques fréquentes dans nos tickets de caisse. On ne change pas de portable plus d’une fois par an, voire moins, alors qu’on va acheter de la nourriture une fois par semaine minimum. » D’où une présence très forte dans l’esprit du consommateur.

Et là encore, les 20-50 ans sont particulièrement rois. « Ce sont les plus présents aux supermarchés et les plus chargés de faire les courses », note l’experte. Cette tranche d’âge est aussi particulièrement ciblée par la publicité. Dans le marketing, certains d’entre eux – ou d’elles plutôt – porte même un doux nom, la FRDA-50 (femme responsable des achats de moins de 50 ans, anciennement « ménagère de moins 50 ans », un peu trop vieillot), le graal des publicitaires et des marques – car elles ont le plus souvent le rôle social du porte-monnaie de la famille.

La nourriture, reine de la publicité

Et la publicité, ça compte au moment de s’ancrer au cœur. « Cela donne de l’humain et de la proximité avec le consommateur. Une marque parle, a un propos, est vivante », enchaîne Elisabeth Tissier-Desbordes. A fortiori avec la nourriture, « où les publicités sont plus osées que la moyenne et plus sentimentales : de la joie, de l’humour, de la convivialité… »

Allez, deux, trois madeleines de Proust (tiens, encore de la bouffe) publicitaires pour nos lecteurs, toute génération confondue : « et voici le deuxième effet Kiss Cool », « tu pousses le bouchon un peu trop loin Maurice », « on est des Tub’s, on est pas des pots », « et alors la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu », « mais c’est mon Yop »… Oui, on sait, nous aussi, ça nous émeut.

L’identité plutôt que la subtilité

Avec aussi des logos reconnaissables entre mille et une identité visuelle forte, « dans le cadre de la nourriture, il n’est pas rare que la marque prenne visuellement le pas sur le produit, tant c’est elle qui compte », développe Clémentine Hugol-Bential. Et là encore, oubliez la subtilité. Rien que les noms de ces nombreuses marques – Le Gaulois, Président, Bonne Maman, St Michel – sont des exemples de « bourrinage » niveau identification et identité de la marque. Qui n’a jamais eu un ami aux pseudo-origines italiennes faisant mine de s’étrangler devant des Lustucru françaises plutôt que des Panzani made in Italy ?

Enfin, la nourriture « est extrêmement reconnue socialement, et particulièrement en France avec son image gastronomique », indique Nathalie Louisgrand. « Les marques jouent également dessus pour s’illustrer, avec de nombreuses collaborations avec des grands chefs. Entre 20 et 50 ans, c’est aussi là qu’on cuisine le plus, d’où cette surimportance des marques alimentaires. » Ok, on ne pense qu’à la bouffe, mais au moins on a des bonnes raisons.

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