GUILLAUME MEURICE : "C8 ET CNEWS SONT LES PORTE-PAROLES DE L'EXTRêME-DROITE EN FRANCE"

Dans cette seconde partie de l'interview, Guillaume Meurice évoque son activité radiophonique sur France Inter et le travail des humoristes dans les médias.

Et si sa relation avec Pascal Praud s'était apaisée ? A l'occasion de la publication du dictionnaire "Le fin mot de l'histoire", co-écrit par Nathalie Gendrot et l'humoriste Guillaume Meurice, le comique de France Inter se confie auprès de puremedias.com. Après avoir évoqué la polémique autour de la sortie de l'ouvrage dans une première partie, le trublion aborde son activité radiophonique sur la première station de France. Il décrit également la place des humoristes dans les médias aujourd'hui et mentionne, avec humour, sa volonté de se présenter à l'élection présidentielle.

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Propos recueillis par Florian Guadalupe.

puremedias.com : Des personnalités comme Pascal Praud et Cyril Hanouna critiquent souvent l'audiovisuel du service public. Y a-t-il un conflit entre France Télévisions et Radio France, et le groupe Canal+ avec C8 et CNews ?

Guillaume Meurice :

Le groupe de Vincent Bolloré est dans une bataille idéologique. Ce sont des gens qui sont des porte-paroles de l'extrême-droite en France. L'objectif de l'extrême-droite n'est pas de mettre en avant le service public. Ils l'ont même dit. S'ils arrivent au pouvoir, ils privatiseront l'audiovisuel public. Ils ne s'en cachent pas. J'imagine que de notre côté, à Radio France et à France Télévisions, nous sommes attachés à la liberté d'expression.

Vous, personnellement, avez été une cible récurrente de Pascal Praud. En décembre 2020, le présentateur de CNews avait même demandé votre licenciement à son antenne.

(rires) C'était rigolo. Après, je lui avais envoyé mon bouquin ! Alors, oui, il avait demandé à ce que je sois viré. Mais je pense qu'il surjoue le truc. Il y a des moments, comme ça, où France Inter devient un sujet. En même temps, on est la première radio de France. (rires) On est en haut de la colline, c'est facile de nous viser. Mais après, ils se lassent. Puis, ils reviennent. C'est cyclique. C'est comme le burkini. (rires)

Oui, il avait demandé mon licenciement parce que j'avais fait une blague sur les flics sur Twitter. Il avait dit : "Regardez, il dit ACAB". Alors qu'en bas, j'avais mis "All Cops Are Bisounours". La blague était bien expliquée. Ca avait fait une séquence pour alimenter son émission. Ca m'avait fait rigoler car ce sont les mecs qui disent qu'on ne peut plus rien dire. En réponse, je lui avais envoyé mon bouquin sur Triboulet avec une petite dédicace : "Est-ce qu'on n'est pas tous le bouffon de quelqu'un ?". Il m'avait appelé sur mon téléphone. Il était exalté (il l'imite) Formidable geste, c'est incroyable ce que vous avez fait. C'est une belle volonté de dialogue. Ma fille vous adore. (il reprend sa voix) C'était très long. Un truc d'une minute trente. Et le lendemain, il avait ouvert son émission avec mon bouquin. Ca m'a doublement fait rigoler. Donc, je pense que pour Pascal Praud, c'est un jeu.

Vous a-t-il invité sur son plateau ?

Non. Mais je n'irais pas. Je dirais non. Aujourd'hui, c'est un peu difficile pour eux de m'inviter. Ca risque de tourner assez rapidement autour de Bolloré. A Canal+, ils flippent. On a bien vu ce qu'il s'est passé entre Hanouna et Boyard. Ils sont sur la défensive. Alors que sur le service public, des chroniques sur Radio France, sur Sibyle Veil ou sur les grèves contre la direction, on en fait plein. On n'a jamais été emmerdé là-dessus. C'est quand même la grande différence.

Les attaques médiatiques peuvent parfois être accompagnées d'insultes sur les réseaux sociaux. En recevez-vous beaucoup ?

Oui ! Mais comme ça fait un bon moment que je ne regarde plus les commentaires, je m'épargne ça. On me dit parfois que je prends cher sur tel ou tel truc. C'est quand même chronophage de regarder. Je ne le fais plus, sauf quand on me le dit, ça reste amusant. Je ne dis pas que ce n'est pas compliqué à gérer pour certaines personnes. Mais moi, je n'ai pas besoin de regarder tous les jours ce qu'on pense de moi. Je sais que je suis sois une énorme merde, soit un génie ! (rires)

La station France Inter donne-t-elle plus de libertés que les autres médias ?

Je ne peux pas en avoir la garantie car je n'ai jamais bossé ailleurs à la radio. J'ai l'impression que oui. Je peux faire une chronique sur Total ou la BNP, par exemple, sans qu'on me dise que telle ou telle entreprise a acheté 150.000 balles de pub et qu'ils menacent de me virer. Mais je n'ai jamais bossé sur Europe 1, je ne sais pas comment ça se passe là-bas. Donc, je n'en ai pas la certitude.

Avez-vous senti des changements au sein de la station depuis l'arrivée d'Adèle Van Reeth à la tête de France Inter ?

Nous, à "C'est encore nous", ça n'a rien changé. On a gardé la même case. J'ai plutôt de très bonnes relations avec elle. Mais j'avais déjà de bonnes relations avec Laurence Bloch avant. Après, je suis un peu le sale gosse de l'antenne. Ils m'ont un peu embauché pour ça. Donc, c'est plutôt cool.

Ca va bientôt faire dix ans que vous êtes sur France Inter.

Oui ! Là, j'ai réduit un peu. Je ne fais plus que deux chroniques par semaine. Ca faisait huit ans que j'en faisais une tous les jours. J'avais commencé dans le 11h-12h30 de Frédéric Lopez.

N'est-ce pas trop difficile d'arriver à se renouveler avec ce format de micros-trottoirs ?

Quand j'ai commencé la première saison, je me suis dit que je n'en ferai que deux. Ensuite, comme ce sont des chroniques liées à l'actu et que ce sont les gens qui apportent énormément au micro-trottoir, on se rend compte que le réel est très surprenant. Moi, je ne me lasse pas. Je n'ai pas l'impression que ça lasse les gens qui aiment bien. Ca lasse les gens qui ne m'aimaient pas à la base. Donc, je m'amuse toujours autant. Si ça me lassait, j'arrêterais.

Est-il vrai que l'émission de l'après-midi avec Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek, dans laquelle vous êtes, aurait pu s'arrêter la saison dernière ? Tous les ans, ça peut s'arrêter en fin de saison. Nous avons un contrat de grille. Fin juin et début juillet, on est libre de tous contrats. On n'a pas de CDI. Tous les ans, c'est remis en jeu. Souvent, on nous dit : "Oui, c'est bon, vous êtes reconduits". Mais on en a vu des gens dans les médias à qui on a dit ça et qui fin août se sont retrouvés avec que dalle.

Pour le moment, ce n'est pas prévu que ça s'arrête, donc ?

Pour l'instant, non. Enfin, de notre côté, non. Du côté de la direction, je ne sais pas. Mais une grille, ça bouge. Moi, je ne me considère pas inamovible. J'en fais moins cette année et ça laisse de la place à plein de gens. Je suis très pote avec Aymeric Lompret, Djamil Le Shlag... On bosse vraiment entre potes. C'est très cool qu'ils aient plus de place à l'antenne. C'est aussi pour ça que j'ai levé le pied. Les médias, ce n'est que les médias, pour citer les grands auteurs. (rires)

Avez-vous déjà été tenté par la télévision ?

Non. Pas en tant que chroniqueur. En revanche, j'ai fait des documentaires. Mais je n'ai pas trop d'idée de quelle émission pourrait m'accueillir. Lors de mes deux premières saisons sur France Inter, j'avais été approché par la télé et j'ai refusé des offres. On m'a demandé de faire des micros-trottoirs à la télé. Je me suis dit que la télé n'avait pas beaucoup d'imagination. Et pour revenir sur les libertés, à la télé, j'avais remplacé Pierre-Emmanuel Barré quand il était à la "Nouvelle édition" sur Canal+, avant l'ère Bolloré. Je n'avais fait qu'une chronique. Celle que je devais faire après était à la suite des attentats de "Charlie Hebdo" en 2015. Je voulais finir par un dessin de Charb. Ils m'ont dit : "Non, pour des raisons de sécurité, on ne préfère pas". Donc, je me suis barré. Ca avait fait un pataquès à l'époque. C'était pile après les attentats... Les mecs répétaient "Je suis Charlie" mais ne voulaient pas un dessin de Charb... Et ce n'était pas Canal directement qui avait décidé, c'était la société de production Flab et Christophe Carron. Je le croise de temps en temps et il m'en veut toujours... alors que c'est moi qui devrais lui en vouloir !

Les humoristes de France Inter sont souvent catégorisés à gauche. Peut-on être un humoriste de droite sur cette station ?

A la Gaspard Proust ? (rires) Et bien, il y a Matthieu Noël, il n'est pas très à gauche. Son pote, c'est Clément Beaune. Il était avec lui en cours. Il a fait toute une chronique où il assumait ça d'ailleurs. Ce gars me fait vraiment marrer. Il n'est pas du tout étiqueté humoriste de gauche.

Comment explique-t-on l'image de France Inter comme une radio avec des humoristes de gauche ?

Il y a pas mal de trucs qui passent sur les réseaux sociaux. Comme ce sont les trucs les plus clivants qui sont le plus partagé, je pense que ça donne une impression de radio de gauchistes. Il va falloir m'expliquer en quoi Léa Salamé et Dominique Seux sont gauchistes. Chez Nagui, j'écoute pas mal les humoristes et ce sont des chroniques sociétales. Je n'ai pas l'impression que ce soit très politisé. Ca l'est beaucoup plus chez nous. On est une émission d'actus et on donne notre avis là-dessus. C'est rarement pour défendre le gouvernement. (rires) Moi, mes chroniques, c'est un édito avec des blagounettes ou de l'humour avec un point de vue.

Cet humour peut également paraître pour certains comme une manière de donner des leçons.

Oui, souvent, on nous dit qu'on est donneurs de leçons. Moi, je ne suis pas du tout militant et je n'ai pas l'impression d'avoir raison. Mais je donne mon point de vue sur telle ou telle actualité. Après, on peut en discuter. Je n'ai pas de problèmes à ce qu'on me dise qu'on n'est pas d'accord avec moi. Je ne cherche pas du tout à convaincre les gens. Je ne suis pas là à dire : "C'est ça qu'il faut penser !".

N'est-ce pas plus difficile pour un humoriste aujourd'hui de donner son avis ou de faire des blagues dites plus "trashs" ? Sur RTL, Philippe Caverivière a évoqué à plusieurs reprises des menaces et insultes reçues après des chroniques.

Ca, ça a toujours existé. A l'époque, des Jean Yanne et des Pierre Desproges avaient reçu des sacs de courrier d'insultes. Aujourd'hui, c'est juste que le mode de communication à changer avec les réseaux sociaux. Ca se fait plus facilement avec un tweet.

Mais est-ce que ça ne restreint pas l'humoriste, indirectement, dans sa liberté d'expression ?

Ca dépend de l'humoriste. S'il fait ça pour être aimé d'un maximum de gens, voire par tout le monde, ça va le restreindre. S'il ne fait pas ça pour ça - ce que je lui conseille fortement -, non, c'est plutôt un gage de qualité d'être clivant. Je n'ai aucun souci à ce que les chasseurs me trouvent complètement con. (rires) Ca veut dire que j'ai bien fait mon boulot ! Même quand Pascal Praud demande ma démission, je me dis que je suis au bon endroit ! On ne peut pas être aimé par tout le monde.

Du côté des médias, on sent parfois une certaine fébrilité sur les limites de l'humour, non ? Je cite par exemple le cas de Pierre-Emmanuel Barré qui s'est estimé censuré par France Télévisions et qui a quitté "C l'hebdo" sur France 5 seulement trois semaines après son arrivée.

Ca, ça a été un problème de France 5 ou la production. Je ne sais pas comment ils ont géré. Tu prends Pierre-Emmanuel Barré, tu lui dis qu'il est génial et que tu veux un truc qui tabasse un peu... Pierre-Emmanuel fait du Pierre-Emmanuel, quoi ! Puis, après on lui dit que ça ne va pas. Fallait prendre quelqu'un d'autres ! Des humoristes, il y en a plein.

Pierre-Emmanuel Barré avait déjà quitté France Inter en 2017 après le refus de la station de diffuser l'un de ses sketchs.

Je ne suis pas son avocat et je ne veux pas parler en son nom. Mais il n'a jamais dit à France 5 : "Ne vous inquiétez pas, je vais faire des chroniques très mignonnes". Ca n'a pas de sens. S'il avait fait des chroniques comme ça, il l'aurait certainement viré pour ça, en lui disant qu'il n'était pas assez trash. Oui, ça, c'est un vrai problème. Je ne sais pas comment ça a été décidé en interne. Je ne sais pas qui a décidé de l'engager, puis de le virer. C'est absurde, complètement.

A la dernière élection présidentielle, vous avez reçu six parrainages pour être candidat. Vous jouez beaucoup dans vos spectacles sur le fait de viser l'Elysée. Est-ce juste une blague ou vous y pensez vraiment ?

J'en ai eu plus que Florian Philippot. Il n'a eu qu'un seul parrainage. J'ai fait six fois plus ! (rires) Moi, candidat ? On ne sait pas ! (sourire) Tout est possible. Là, le spectacle que je joue actuellement, c'est exactement ça. Il s'appelle "Meurice 2027". On verra bien... Zelensky a commencé en jouant du piano avec sa bite sur scène. Là, il va être Prix Nobel de la paix. Il y a eu aussi Beppe Grillo en Italie. Mais pour l'instant, on n'en est pas là. Pour l'instant, c'est une blague qui m'a bien fait marrer. Ca aurait été rigolo d'en avoir 200. Tout le monde aurait paniqué.

Mais si vous aviez eu les parrainages suffisants, vous y serez allé ?

Oui ! Carrément ! Et j'aurais même gagné ! (rires) La défaite n'était pas envisageable. Mais j'ai déjà mon gouvernement. Je fais un podcast sur Spotify qui s'appelle "Meurice recrute". Mon gouvernement est déjà public. Il y a un épisode qui est sorti cette semaine avec Valérie Masson-Delmotte, ministre du Climat. Je suis prêt à gouverner ! Ca ne serait pas pire qu'aujourd'hui ! (rires)

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