COMMENT S'HABILLE ESTHER ABRAMI, VIOLONISTE, AU TRAVAIL

Dans cette série sur le vêtement des femmes en activité, Harper’s Bazaar explore une personnalité dans l’exercice de sa profession, et son rapport à l’uniforme qui l’accompagne. Violoniste phare d'une nouvelle génération de fans de musique classique, Esther Abrami impose la mode et la joie de se vêtir dans son milieu. Rencontre.

Lorsque la violoniste Esther Abrami répond aux questions du Harper’s Bazaar, elle nous parle depuis Berlin, où elle en train d’enregistrer son troisième album, centré sur les femmes dans l’histoire de la musique classique. Cette même année, elle annonce une tournée en Chine, joue à la cérémonie d’ouverture du festival de Cannes, s’exprime sur son podcast Women in Classical où elle parle du sexisme dans son milieu. Passée par le Royal College of Music à Londres, elle attire un nouveau public à la musique classique – comme par son album Cinéma centré autour de musiques de films ; ou sur ses réseaux sociaux où elle est suivie par plus d’un million de personnes, pour la plupart venant d’autres horizons que le classique.

Sa passion pour la mode y contribue également, apportant une dimension de photogénique à son œuvre et son image. Collaborant avec Messika, Dior, Fendi ou Louboutin, Abrami aime intégrer un élément scénique à ses tenues de concert. On la connaît pour des robes scintillantes, des talons audacieux, un maquillage digne de Hollywood des années 50 – et surtout, un véritable plaisir à s’habiller. J’ai toujours adoré la mode, depuis toute petite. Ma famille avait un magasin de tissu, et j’imaginais me créer des robes, je rêvais de devenir violoniste et de porter des tenues incroyables sur scène dit-elle.

Cette communication avec le public et cette dimension de show, elle la pousse plus loin : elle joue sans pupitre, par cœur, parle de ses inspirations sur scène, filme ses coulisses et ses répétitions. Ce qui ne manque pas de créer des remous dans son milieu : Dans le classique, il y a cette idée qu’on ne devrait pas attirer l’attention sur nous. Le milieu est très conservateur, il faudrait rentrer

“Tu passes pour quelqu’un de superficiel à partir du moment ou tu t’intéresses à ton apparence” Esther Abrami Esther Abrami

Tenues de rêve, contraintes pratiques

Cependant, ses robes doivent avant tout répondre à des exigences pragmatiques : Il faut que je puisse bouger les bras alors je ne porte jamais de manches longues car ça limite les mouvements. Je dois avoir les épaules libres pour sentir le violon sur ma clavicule ; les strass peuvent abîmer le violon. Parfois je porte des robes à une manche droite car le violon est à gauche. Idem, pas de boucle d’oreille à gauche, ça frotte et ça fait du bruit dit-elle de son choix de bijoux nécessairement dépareillé. Elle ne peut pas non plus avoir de manucure : J'ai l’impression que ça alourdit les doigts, et je ne peux pas risquer d’avoir l’ongle qui touche la corde .

Entre les concerts, sur TikTok, elle enregistre sans maquillage, chez elle, en jogging, en voyage, quand elle répète. En studio, elle est pieds nus, pour sentir les vibrations du sol , dans les vêtements les plus décontractés possibles, sans bijou, en short et débardeur, sans contraintes qui pourrait limiter les mouvements. Je passe du tout au tout” rit-elle.

“Comme si je ne méritais pas ce qui m’arrivait”

Sa revendication du féminin vient remédier à un sexisme vécu depuis ses études. On m’a reproché de mettre des tenues sexy, de jouer sur mon physique, comme si je ne méritais pas ce qui m’arrivait, alors que j’ai 15 ans d’études. Elle se souvient même d’un professeur, qui, lorsqu’elle lui annonce qu’elle a signé chez Sony, lui lance : Profites-en car la beauté chez les femmes ça ne dure pas . Tu passes pour quelqu’un de superficiel à partir du moment où tu t’intéresses à ton apparence remarque-t-elle, pointant cette dévaluation du choix du féminin, présent dans tant de sphères professionnelles. Faudrait-il donc adopter une codification mimant le masculin pour gagner en crédibilité ?

Ne plus s’adapter

Aujourd’hui, elle refuse d’ajuster son apparence au lieu où elle va et ne porte que ce qui lui fait plaisir et lui permet de jouer sans entraves. Son travail d’image se détache radicalement de l’austérité silencieusement requise par le monde du classique, que ce soit par le choix d’une pochette d’album – elle travaille avec Florian Saez pour son deuxième album, pour une patte très mode – ou encore dans sa communication. Le cliché serait de poser très sobrement avec un violon dans une robe à l’anciennedit celle qui ose le sexy autant qu’un jeu de masculin féminin.

Aujourd’hui, cela implique pour elle de décloisonner l’idée de femme sérieuse, féministe, intellectuelle, et également du passéisme qu’on peut associer au violon et à la musique classique… pour en faire une source d’émotions et de dialogue actuel.

Dans cette série sur le vêtement des femmes en activité, retrouvez aussi les témoignages de : Céline Pham, cheffe, Agathe Mougin, DJ...

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