« THE BOYS » : LA SAISON 4 DE LA SéRIE MET L'EXTRêME DROITE AMéRICAINE EN PéTARD

On savait The Boys, monument de la fiction engagée. On voit désormais la série s'inviter sur la scène politique ? la vraie, cette fois. Depuis le 13 juin, et à raison d'un épisode par semaine, la quatrième saison de ce feuilleton complètement déjanté cartonne sur Prime Video. L'audience est en hausse de 21 % par rapport à la précédente, nous apprend même le diffuseur. Une bonne nouvelle qui, malgré tout, fait quelques déçus.

The Boys, hébergée depuis 2019 par la plateforme de streaming de Jeff Bezos, est adapté d'un comics du même nom signé Garth Ennis et Darick Robertson. Le créateur de la série Eric Kripke (aussi derrière la fantastique Supernatural) y dépeint un monde parallèle rempli de super-héros, tous plus corrompus les uns que les autres. Érigés en idoles par un marketing aux petits oignons, ces derniers abusent de leur réputation dorée pour commettre les pires des crasses.

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Afin que l'hypocrisie ambiante cesse, Billy Butcher (génial Karl Urban, aussi docteur Leonard McCoy dans le reboot au cinéma de Star Trek par J. J. Abrams) propose de réunir une équipe de bras cassés, adossée à la CIA : les « Boys ». Ensemble, ils devront exposer les mensonges de Vought, principale société de financement de ces « justiciers ». Et neutraliser le plus dangereux d'entre eux, « Le Protecteur » (terrifiant Antony Starr, Banshee), sorte de Superman qui aurait mal tourné.

The Boys encore et toujours une satire politique

Dans cette chorale violente et irrévérencieuse, la satire politique a bien entendu toujours été présente. Plus ou moins en filigrane. Le parallèle avec certaines personnalités connues ou croisées n'a, lui, jamais été fortuit. Mais la quatrième saison présente un degré inédit de caricature. Le contexte électoral ? outre-Atlantique notamment, mais aussi ailleurs ? facilite aussi les comparaisons.

Les railleries à l'adresse du populisme, du nationalisme exacerbé, des discours haineux ou complotistes, multipliées cette saison, ont provoqué l'ire d'une frange du public. Identifiable comme la plus conservatrice ? tendance Trump ?, cette catégorie de spectateurs s'est montrée particulièrement agressive sur les réseaux sociaux dans ses attaques contre The Boys.

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« Ce n'est même plus subtil dans la façon de délivrer les messages », se plaint un usager de X (ex-Twitter), passablement agacé par une parodie devenue trop explicite à ses yeux, tandis qu'un autre fustige carrément « une série ruinée » par la présence d'un couple homosexuel dans cette quatrième et avant-dernière saison.

« Review bombing » sur fond d'idéologie

Une colère qui s'est d'ailleurs vite exportée vers les agrégateurs de critiques en ligne. Première cible de cette pratique que les Américains appellent le « review bombing » [consistant à agir en masse pour attribuer la note la moins élevée à une ?uvre dont on n'approuve pas le message, NDLR] : la plateforme Rotten Tomatoes.

Leader de son secteur, le site créé en 1998 enregistre seulement 52 % d'opinions positives de la part du public pour la saison 4 de The Boys, contre respectivement 90 %, 83 % et 75 % pour les trois précédentes. Une baisse d'abord faible et continue, puis brutale, qui ne se retrouve pas dans les retours des critiques professionnels (93 % d'avis positifs cette saison, toujours selon Rotten Tomatoes).

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Pis encore, sur le site, les commentaires teintés d'idéologie pleuvent, comme celui de cet utilisateur, qui se plaint d'une écriture « typique du Hollywood moderne, enveloppant tous les méchants dans des drapeaux américains », avant d'ajouter : « Pourquoi détestent-ils leur public ? » Ou de cet autre internaute, qui déplore une « triste de manière de remercier ses fans, en se moquant de la religion ».

Des réactions dénuées de réelles considérations artistiques, outrageusement acerbes, que les fans restés fidèles à The Boys voient volontiers comme une forme d'amertume. Celle d'un public qui se sent berné face à un personnage du Protecteur qui, dans le geste et dans le verbe, ressemble de plus en plus à un certain Donald Trump. Mais pourquoi ?

Parce qu'il incarne la figure du grand blond, évidemment. Mais aussi par ses excès et son protectionnisme, virant parfois au conspirationnisme. Dans cette nouvelle saison, le super-vilain de l'histoire s'associe même à l'activiste en ligne Firecracker (Valorie Curry, vue dans Veronica Mars) pour dire leur vérité, dans une configuration qui n'est pas sans rappeler Truth Social, le réseau social créé par l'ancien président américain. Curieux.

Parallèles glaçants

« Les MAGA [pour Make America Great Again, surnom des supporteurs de Trump, NDLR] sont furieux face à cette saison, lol. C'est une super saison. », lance ainsi un utilisateur de Rotten Tomatoes. Dans The Boys, ces soutiens endurcis de l'ancien chef d'État sont eux-mêmes tournés à l'ironie, en disciples aveugles du Protecteur, allant jusqu'à l'applaudir lorsqu'il commet un meurtre gratuit en pleine rue (« C'est de la légitime défense ! » tonnera même l'intéressé).

Là encore, le parallèle avec l'indifférence ? voire les encouragements ? de ces mêmes « MAGA » lors de la récente condamnation de Donald Trump dans l'affaire Stormy Daniels, convaincus de défendre une victime de l'oppression du système judiciaire et de l'État profond, est littéralement glaçant.

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Un rapprochement constant entre fiction et réalité, qui entache jusqu'à la vie privée des acteurs à l'affiche de la série. Aussi, Antony Starr s'est montré particulièrement véhément à l'encontre d'une frange du public qui ne le dissocie plus de son personnage du Protecteur. Pis : qui l'admire en cette qualité. Le comédien a déclaré à Rolling Stone qu'il s'était senti « offensé » par la comparaison.

« Les gens sont surpris, et me disent : ?Oh, mais tu n'es pas du tout comme lui !? Et je leur réponds : ?C'est un psychopathe narcissique. Donc, ouais, merci? », a-t-il indiqué en juin dernier à nos confrères américains. Et là encore, la réaction en ligne ne s'est pas fait attendre? Comme ce « fan », qui reconnaît volontiers que « c'est bien mieux [que d'être le Protecteur]. À l'inverse d'Antony Starr, le Protecteur n'est pas démocrate. »

The Boys tape sur tout et sur tout le monde

Dans la course au message politique, The Boys n'est donc assurément pas la dernière dans les starting-blocks. Quant à la subtilité, elle n'a jamais vraiment été compatible avec le concept même de cette série, outrancière à de nombreux égards. Mais la grande force du mastodonte d'Amazon Prime Video a toujours été de n'épargner personne. De taper sur tout et tout le monde, de gauche à droite. Ce que semblent oublier ses détracteurs.

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Dans l'épisode du 27 juin dernier, la série s'attaque par exemple à l'inclusivité dans le monde du cinéma ? valeur historiquement prônée par la gauche hollywoodienne. Par la voix de ses ? faux ? héros l'Homme-poisson (Chace Crawford) et A-Train (Jessie Usher), est ainsi ironiquement présenté un film (fictif), où l'ensemble du casting est noir, dans une man?uvre que l'on perçoit comme sincèrement commerciale (un placement de produit suit directement l'annonce).

Si vous pensez que c'est woke : OK, regardez autre chose.Eric Kripke, créateur de la série

Un long-métrage intégré à un univers partagé en 19 « phases », qui finit d'envoyer un uppercut bien placé à Marvel Studios et son politiquement correct à géométrie variable, dépendant des audiences. Cette pique à l'aile gauche du spectre politique américain n'est pas la seule cette saison. Citons par exemple la caricature à l'endroit des « stellactivistes », ces citoyens foncièrement wokes, rangés derrière la figure de la super-héroïne dissidente Stella (Erin Moriarty). Ceux-là lorgnent franchement les rassemblements autour des figures démocrates aux États-Unis, admirateurs de leur justicière en collants ? mais n'hésitant pas à la « canceler » au premier débordement.

Dans The Boys, donc, ni pincettes ni pitié. Si la quatrième saison est d'un niveau global légèrement inférieur à la précédente, difficile de justifier le torrent de haine déversé à son égard par tant d'internautes? principalement guidés par l'idéologie et aveugles au fait que l'anticonformisme est la marque de fabrique dans la série, au fiel de laquelle aucun bord politique n'échappe. « Si vous pensez que c'est woke : OK, regardez autre chose », a récemment tranché Eric Kripke dans le Hollywood Reporter. Difficile d'être plus clair.

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