AU ZOO, LES GORILLES PASSENT TROP DE TEMPS DEVANT LES éCRANS

Nous partageons 98% de notre ADN avec les gorilles, et bientôt la même addiction aux smartphones. Dans toute l'Amérique du Nord, les zoos font face à un nouveau défi: le temps d'écran des primates ne cesse d'augmenter –à cause des visiteurs, bien sûr. Ce qui, comme pour les humains, a des effets sur leur vie sociale.

À Louisville (Kentucky), Jelani, un gorille de 27 ans, s'est pris de passion depuis déjà plusieurs années pour les téléphones. Il fait signe du doigt ou tapote sur la vitre pour que le visiteur suivant prenne un selfie avec lui. Au zoo de Toronto (Ontario), les soigneurs ont affiché un panneau devant l'enclos des gorilles pour dissuader les touristes de brandir leurs écrans. Ils mentionnent des perturbations sur leur vie familiale. Et à Chicago (Illinois), un gorille préadulte nommé Amare a même été privé de téléphone car son addiction empiétait sur sa sociabilisation.

«Ils sont vraiment notre propre miroir, ironise Ron Evans, le conservateur général du zoo de Louisville. Sauf en ce qui concerne leur force surhumaine.» Là-bas, l'attrait de Jelani pour les écrans ne dérange pas la vie tranquille qu'il mène avec Bengati au sein de la troupe. Les soigneurs tolèrent donc, avec modération, son temps d'écran.

La direction du zoo de San Diego (Californie) est quant à elle plus crispée sur la question. Ici, Ekuba, un gorille de 18 ans, ne quitte plus la vitre qui le rapproche des visiteurs. Ceux-ci lui montrent des vidéos de lui-même et d'autres primates. «Il regarde vraiment! Je me demande ce qu'il pense, s'émerveille Cecilia Lee, une touriste. Tout ce qui nous rapproche est fascinant.» Le smartphone nous rapproche peut-être du gorille, mais il peut surtout l'éloigner de ses congénères.

Ils savent utiliser les écrans tactiles

Un groupe d'amateurs de gorilles se rend presque chaque jour dans ce zoo renommé pour filmer les singes avant de leur montrer le résultat. «C'est mon endroit de prédilection», s'illumine un homme portant un t-shirt à l'effigie du primate au dos argenté. Les larmes montent aux yeux d'une autre membre du groupe lorsqu'on lui dit que le zoo pourrait leur refuser l'accès s'ils continuent de distraire les singes. Devant cette possibilité, ils ont préféré garder leur anonymat.

Les guides bénévoles sont plus divisés. Certains sourient et discutent avec ces groupies; d'autres confirment que le zoo leur a demandé de faire cesser ce genre de communications interespèces. «Nous n'approuvons pas et décourageons fortement cette pratique», commente un porte-parole du zoo de San Diego. Au lieu de communiquer avec les singes par le biais de technologies destinées aux humains, les visiteurs devraient les observer passivement «se comporter comme des gorilles», dit-il.

Pour beaucoup, cette tendance à montrer des vidéos aux gorilles représente un énième affront humain infligé à cette espèce en voie de disparition. Il y a encore quelques dizaines d'années, les scientifiques se demandaient si les grands singes pouvaient reconnaître des objets en photo ou en vidéo. Aujourd'hui, d'après Robert Shumaker, président du zoo d'Indianapolis (Indiana), il est très clair qu'ils en sont capables. Et ce chercheur reconnu n'y voit pas que des inconvénients.

Dans son zoo, les chimpanzés et les orang-outans utilisent des écrans tactiles pour apprendre à communiquer à l'aide de symboles, et jouent à des jeux cognitifs comme le morpion. Robert Shumaker remarque que les visiteurs qui observent les singes faire preuve de tant d'intelligence deviennent plus prompts à soutenir la recherche et la conservation de ces animaux. Mais de la même manière que pour les humains, les écrans pour les primates, ce n'est pas toute la journée!

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