ÉVANOUISSEMENTS DE GROUPES D'ADOS AU MEXIQUE: VERS UNE éPIDéMIE DE PSYCHOSE COLLECTIVE?

Si Netflix ne s'est pas déjà emparé des droits de cette histoire, ça ne saurait sans doute tarder. Au Mexique, les autorités et les parents sont sur les dents, le même événement étrange et inquiétant s'étant répété à plusieurs reprises dans différentes villes du pays. La première fois, raconte Insider, c'était le 23 septembre 2022: dans une école de Tapachula, non loin de la frontière guatémaltèque, trente-quatre ados (majoritairement des filles) ont perdu connaissance en quelques heures.

Maux de tête, vomissements et même convulsions faisaient partie des autres symptômes. Aucune explication ne collait: les analyses de la nourriture servie à la cantine n'ont rien relevé de particulier, les élèves n'avaient pas consommé de substances illicites, et rien dans l'environnement de l'établissement scolaire ne semblait pouvoir être à l'origine de ce curieux évanouissement collectif. Pour les médecins, une hypothèse restait plausible: celle de l'attaque de panique. Les cours reprirent rapidement et on n'en parla plus.

Mais le 7 octobre 2022, soit deux semaines plus tard, des faits similaires se sont produits dans le village de Bochil, à environ 240 kilomètres de Tapachula. Au moins soixante-huit ados ont vécu des évanouissements, des vomissements, et ont décrit par la suite avoir ressenti une impression de désorientation. Quatre élèves ont été testés positifs à la cocaïne, mais le bilan toxicologique des autres était parfaitement normal.

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Quatre jours plus tard, rebelote à Tapachula, où dix-huit jeunes gens (principalement des filles) ont à nouveau vécu la même expérience.Et dans les deux mois qui ont suivi, les autorités mexicaines ont enregistré six nouveaux incidents de ce type, dans des localités souvent assez éloignées les une des autres et n'ayant apparemment aucun lien particulier entre elles.

Aucune piste

En tout, ce mal étrange et indéfini a touché 227 ados, faisant de cette histoire une affaire de premier plan au Mexique. À tel point que le président Andrés Manuel López Obrador l'a évoquée très régulièrement lors de ses conférences de presse quotidiennes, souvent pour expliquer que les investigations ne donnaient rien. Fuites de gaz, réseau d'eau contaminé, drogue indiscernable: aucune piste ne collait.

Estimant que l'enquête n'avançait pas assez vite, certains parents ont constitué un collectif visant à exiger des réponses –et notamment à obtenir l'assurance que les cartels de la drogue, très ancrés dans la région, n'avaient réellement aucun lien avec ce mystère. De nombreux entretiens ont été menés avec les ados, notamment par des psychologues, sans grand résultat.

En procédant par élimination, les épidémiologistes ont quasiment pu écarter toutes les pistes. Toutes sauf celles de la psychose collective. Pour le néo-zélandais Robert Bartholomew, professeur de psychologie considéré comme l'une des références mondiales en la matière, cette piste est tout à fait plausible: «Je m'attends à ce que ça se produise depuis des années.»

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Bartholomew, qui dispose d'une base de données de 3.500 cas de psychose collective relevés entre le Moyen Âge et nos jours, rappelle qu'il s'agit d'un rare phénomène psychologique au cours duquel une personne sujette à une crise (évanouissement, hurlements...) est soudain imitée par les personnes qui l'entourent de façon totalement involontaire –un peu comme si l'individu au centre de la crise parvenait à hypnotiser l'assemblée.

Épidémie en vue?

En poussant leur enquête, les autorités mexicaines ont fini par découvrir qu'il existait un lien entre certains des groupes d'ados touchés par l'épidémie d'évanouissements: des conversations Whatsapp communes, permettant à certaines classes de travailler ensemble. Robert Bartholomew, rejoint par plusieurs autres spécialistes, estime qu'il peut s'agir du premier phénomène de psychose collective propagée en ligne.

Comment une telle chose pourrait-elle être possible? Pour l'expert, cela peut s'expliquer par un effet boule de neige: les victimes de la première psychose collective «classique» en ont parlé sur les réseaux sociaux à des camarades d'autres villes, qui ont fini par reproduire le même schéma de leur côté.

Ce qui relevait de l'inconcevable ne l'est désormais plus. «Avant, pour que ça arrive, il fallait être dans la même pièce, conclut Robert Bartholomew. Mais les réseaux sociaux sont devenus une extension de nos sens. [...] Je pense que nous sommes sur le chemin d'une épidémie plus importante et plus globale.»

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