ON A (ENFIN) VU L’EXPOSITION SUR LE HEAVY METAL à LA PHILHARMONIE DE PARIS !

Longtemps considéré comme la musique du diable, le heavy metal a toujours été un courant artistique extraordinairement propice à l'imagination et la créativité des artistes. Il est né à une époque de révolte, la fin des années 1960, où le rock s'est fait militant, jouant un rôle central dans les manifestations contre le Vietnam. Les musiciens se sont aussi inspirés d'autres formes d'art, créant leurs propres mythologies où se mêlent religion et occultisme, terres dystopiques et ouvertes sur un monde nouveau.

Même s'il reste ignoré, voire abhorré, dans une large frange de la population ? particulièrement en France ?, le metal jouit désormais d'une reconnaissance incontestable dans les cercles culturels. On le célèbre au festival Hellfest de Clisson qui, depuis sa création officielle en 2006, a contribué à remettre ce genre musical sur le devant de la scène, montrant à ses détracteurs son rôle clé dans l'histoire de la musique rock ? sans lien aucun avec des rituels sataniques.

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Et à Paris, on consacre le metal à travers la spectaculaire exposition « Diabolus in Musica »* (qui est également le titre d'un album du groupe Slayer en 1998). Inauguré en avril, prolongé jusqu'au 29 septembre, cet événement immerge ses visiteurs dans un univers foisonnant aux nombreux rituels et dans sa riche histoire, au travers notamment de plus de quatre cents objets offrant un aperçu inédit de cette fascinante culture. Le Point Pop a, enfin, traîné ses guêtres et ses tympans sur place? Verdict !

Black Sabbath, Led Zeppelin, Deep Purple : le trio fondateur

L'entrée de « Diabolus in Musica » donne le ton : nous sommes immédiatement plongés dans le metal via un écran géant mural qui diffuse un concert, comme si nous allions assister à un festival. D'autres visiteurs, tout de noir vêtus ou en tee-shirts de groupes divers, s'imprègnent de l'ambiance avant de pénétrer dans ce monde emblématique, mais méconnu du grand public. Alors que le son nous suit à l'intérieur ? la musique nous accompagne tout au long de la visite ?, l'instrument qui donne au metal sa sonorité monte la garde : il s'agit de la Gibson 8G rouge, surnommée Monkey (« singe », en français), que Tony Iommi utilisa en 1970 pour composer l'hymne fondateur du heavy metal, « Black Sabbath », sur l'album éponyme du groupe du même nom en 1970. Formé à Birmingham, en Angleterre, avec Ozzy Osbourne au chant, Black Sabbath est considéré comme le pionnier du genre. Leur disque 33 tours inaugural regorge de morceaux sombres et riches en riffs de guitare électrique formant l'ADN du metal.

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Deux autres groupes britanniques, Led Zeppelin et Deep Purple, ont également joué un rôle essentiel. Led Zeppelin a créé des riffs lourds et des paroles mystiques, tandis que le troisième album de Deep Purple, Machine Head (1972), qui contient le mythique tube « Smoke on the Water », a consolidé la place de ces Britanniques (encore !) dans l'histoire du metal. Le genre est donc né voici plus d'un demi-siècle (déjà !) et la nature même de ses sons perturbateurs, déformés, bruyants et audacieux en a fait une contre-culture instantanée, un emblème de rébellion. Mais ce qu'il offrait vraiment, c'était une sorte de sanctuaire, divisé à la Philharmonie en sept chapelles représentant ses sous-genres les plus populaires. L'entrée de la zone circulaire est gardée par un autel consacré à Lemmy Kilmister, le défunt chanteur et bassiste de Motörhead, l'une des figures les plus célèbres du genre.

L'impressionnante scénographie et les décors jouent sur les similitudes entre la musique metal et la dévotion religieuse, chaque sous-genre disposant d'un autel où les fans peuvent se recueillir et rendre hommage devant quelques objets emblématiques, tels que les foulards fluides de Steven Tyler attachés au pied du micro, la moto Chopper de Nikki Sixx (bassiste de Mötley Crue), les costumes d'opéra du groupe de metal symphonique Nightwish, le célèbre chapeau de Slash et bien d'autres encore.

La musique érigée en religion, un aspect fondamental abordé par l'exposition « Metal - Diabolus in Musica ». © Joachim BERTRAND / Joachim BERTRAND pour la Philhar / Joachim BERTRAND pour la Philharmonie de Paris

Guitares, batteries et hauts de hurlement

Le heavy metal est plus connu pour ses riffs virtuoses, souvent accompagnés de solos complexes. Le genre a donné naissance à certains des guitar heroes (expression francisée sous le nom du néologisme « guitare héros », tout simplement ), les plus emblématiques. Le prototype de la Neptune rouge et blanche, la guitare d'Eddie Van Halen, rappelle son jeu unique, tandis que nous visualisons les doigts dansants des autres virtuoses comme Yngwie Malmsteen sur sa Stratocaster et Steve Vai et Joe Satriani sur leurs guitares Ibanez. Ces mercenaires du son ont, eux aussi, créé leur propre style.

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La batterie joue évidemment un rôle essentiel. La marionnette hilarante Animal, dans Le Muppet Show, a été certainement inspirée de quelques batteurs de metal, mais personne n'a frappé plus fort que John Bonham. Le regretté batteur de Led Zeppelin, charpentier de métier, frappait si fort qu'il abîmait l'instrument à chaque concert. Une réplique de taille enfant du kit Amber Vistalite de la marque Ludwig, que Bonham a utilisé entre 1972 et 1978, a été fabriquée sur mesure pour son fils Jason, qui joue aujourd'hui au sein du groupe Black Country Communion et occupe le siège de son père derrière les fûts, lors des rares réunions de Led Zeppelin.

Les pochettes d'albums metal, une invitation au voyage à travers la culture classique. © Joachim BERTRAND / Joachim BERTRAND pour la Philhar / Joachim BERTRAND pour la Philharmonie de Paris

Dans le heavy metal, les instruments ne sont pas les seuls à crier ; les chanteurs atteignent des niveaux de décibels impressionnants. Tout a commencé par les gémissements mélodiques de Robert Plant dès les premières notes du titre « Immigrant Song », morceau ouvrant l'album Led Zeppelin III (1970). Ce style vocal a ensuite influencé de nombreux artistes et est devenu un élément essentiel du metal des années 1980 et de plusieurs de ses sous-genres.

De Rodin aux comics Marvel?

L'autre approche de l'exposition est de démontrer à quel point, de l'art classique au pop art, le metal n'a fait qu'une bouchée d'influences de tous horizons. Sur un grand mur figure un nombre impressionnant de pochettes d'albums qui, à première vue, ressemblent à de petites répliques carrées de grands peintres, comme Gustave Doré, Eugène Delacroix et Goya. Ailleurs, les liens étonnants entre Auguste Rodin et cette musique des enfers sont mis en relief à travers le poète occultiste Aleistair Crowley, ami du sculpteur et figure bien connue des artistes metal ? en 1971, Jimmy Page, le guitariste leader de Led Zeppelin, alla même jusqu'à acheter son manoir maudit, Boleskine House. Quant à la culture pop, et notamment les bandes dessinées, elle coule à flots dans les centres d'intérêt des artistes metal. Certains ont ainsi pactisé avec Marvel, qui a publié en 1979 une BD avec Alice Cooper en super-héros, mais aussi une autre avec Kiss en 1977.

D'autres sont devenus des héros de l'engagement politique. Tom Morello, ex-guitariste du très politisé Rage Against the Machine, poursuit ses prises de position à travers son récent groupe Prophets of Rage, qui s'est notamment attaqué à l'élection controversée de l'ancien président Trump. En 2006, System of a Down s'est, de son côté, impliqué dans Screamers, un documentaire sur le génocide arménien présenté au Festival de Cannes. Un sujet important pour ces metalleux d'origine arménienne.

Enfin, le merchandising est une dimension fondamentale de l'histoire du genre et ? pour joindre l'utile à l'agréable ? la boutique officielle de l'exposition ne manque pas de tentations : disques vinyles, beaux livres, puzzles, poupées AC/DC? Mais le plus important reste ailleurs : la réussite incontestable de « Metal ? Diabolus in Musica » à divertir le visiteur tout en renouvelant, surtout s'il connaît mal le genre, son regard sur le metal. Chapeau les artistes !

*« Metal ? Diabolus in Musica », jusqu'au 29 septembre à la Philharmonie de Paris.

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